la lumière, la marche :
Suite à une longue marche en compagnie de Lautréamont (petit parallélépipède de la Pléiade en poche), entre bois, chemins, et ciels du Berry, je décide donc d’écrire mon premier article « rituel(s) de vie ».
Dans la continuation de notre défi blog, nous engageant à publier chaque jour du contenu sur ce blog pendant 30 jours.
Sur notre rapport quotidien au langage et à la vie, donc.
Je conseille vivement de lire le titre de cet article dans une grande respiration qui vivifie les poumons et le cœur, et clarifie la pensée (« La pensée n’est pas moins claire que le cristal. », comme dit l’extraordinaire Isidore Ducasse alias le comte de Lautréamont).
le rituel, la vie :
Nous allons essayer d’entrer ici un peu au cœur de ce qu’a d’essentiel un rituel de vie, impliquant le langage (la poésie) et le quotidien, plus généralement la cocréation du bonheur et le quotidien.
Cocréation pour plusieurs raisons : il s’agit toujours d’un processus double,entre soi et soi, entre soi et l’autre, entre celui qu’on est et celui que l’on devient, entre soi et la matière, etc. Cocréation parce que l’on se crée en même temps que l’on crée, et enfin parce que l’on crée dans le visible ou l’invisible, avec le visible et l’Invisible.
C’est un peu comme une habitude de méditation où importe la clarté, la détente et le renouveau auxquels on parvient, tout autant que le chemin. Ou bien de sexualité vivante où prime tout autant l’interrelation enrichissante tissant le parcours, que le point d’orgue de joie partagée auquel on aboutit. Ou encore, comme celle de l’art culinaire où toute la préparation et tout le déploiement des talents du cuisinier ou de la cuisinière sont tout aussi essentiels que ce moment convivial et partagé où nous savourons le mets…
Marcher :
Un rituel tout simple et quotidien lorsque le temps (pas seulement la météo !) le permet est pour moi cardinal : marcher.
Juste marcher en se vidant des pensées en trop, de toute la rumination mentale dont on a certes besoin pour analyser, mais dont il faut impérativement se défaire pour vibrer en harmonie avec le coeur de la Vie.
Marcher, pas à pas, avec écoute et attention, comme dans la vie.
Je me pose, je lis au livre de moi-même et je me récite, ou je lis quelques phrases dont la poésie ouvre les brasiers stellaires de l’être et embrasse les galaxies.
Lire ou se réciter soi aussi. Je reprends souffle dans l’égarement un peu fou du plus vivant, respirant des paysages et humant des clairières d’aube et de soleil.
Laisser derrière soi tout le mort, le pesant, le faux ; laisser même un peu (ou complètement…) l’agonie du monde.
Se ressourcer dans le vif d’un élan de joie, d’un élan vers soi.
Tu l’auras compris, ami créateur de bonheur, marcher de façon vivante est chez moi un rituel de vie très ancré et nécessaire.
Lautréamont
J’ai une vieille habitude avec les phrases de Lautréamont.
Elles m’ont plus d’une fois sauvé la vie… « littéralement et dans tous les sens ».
Ecoute par exemple cet incipit de Poésies I :
« Je remplace la mélancolie par le courage, le doute par la certitude, le désespoir par l’espoir, la méchanceté par le bien, les plaintes par le devoir, le scepticisme par la foi, les sophismes par la froideur du calme et l’orgueil par la modestie. »
Ces mots devraient être appris par coeur, dès leur plus jeune âge, par tous les enfants francophones du monde… et par les « adultes » donc ! Que la vie sur terre en serait bouleversée !
Pendant des années (et ça peut encore m’arriver…), j’avais pour rituel vital, dès que vraiment nécessaire, de me réciter ce passage, ce retournement, vers le meilleur, vers une vie en mieux.
A chacun ses rituels !
On devrait tous avoir nos pas, nos respirations, nos exercices et nos gestes, nos souvenirs vivants et nos phrases magiques pour moments difficiles (et pour moments heureux aussi !), bref nos rituels de vie pour nous relier toujours à nouveau au plus vivant et intense au moment crucial (et chaque jour en fait !). Car il y en a, et il y en aura toujours dans la vie de ces moments périlleux… et il sera toujours nécessaire par instants d’exorciser ce qui vient avec le bien pour le nier, cette morbide obscurité du monde qui essaie et essaiera toujours de nous vider de notre liberté, et des phosphores chanteurs de notre âme exaltée.
Les rituels de vie ne sont pas là par hasard : ils sont magiques et préservent la vie.
Faire l’amour, faire la cuisine, écrire un texte, cultiver son jardin, respirer, etc., ne sont pas choses surajoutées à la vie, comme un sous-titre ou un coloriage, un passe-temps ou un loisir ; mais ils protègent la vie, réellement et intensément.
Les rituels de la vie sont un peu comme son système immunitaire à grande échelle, dans le temps et dans l’espace.
Je pense que tu comprends donc mieux désormais, ami créateur de bonheur, pourquoi nous mettons et mettrons l’accent sur cette notion de rituel de vie ! Et ce n’est pas une question de détails techniques pour améliorer son quotidien, mais de souffle vital !