Aider les abeilles : ce nâest pas seulement installer des ruches đ
DĂšs quâon parle de protĂ©ger les abeilles, on te propose des ruches, des hĂŽtels Ă insectes et des mĂ©langes de fleurs « spĂ©ciales pollinisateurs ».
Câest joli, câest rassurant⊠mais ce nâest quâune petite partie de lâhistoire.
Dans la nature, il nâexiste pas « lâabeille », mais des abeilles : une grande famille trĂšs diverse, avec des besoins diffĂ©rents. Et la bonne nouvelle, câest que tu peux vraiment les aider, mĂȘme sans installer une seule ruche, simplement en laissant la vie reprendre sa place autour de toi.
Je te raconte ? đż
1. Abeille domestique, abeilles sauvages : faire la différence
Quand on dit « abeille », la plupart des gens pensent Ă lâabeille mellifĂšre, celle qui vit en ruche, avec un apiculteur, du miel, des cadres et tout le folklore qui va avec.
Mais en France, il existe environ 1000 espĂšces dâabeilles sauvages :
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des abeilles solitaires, qui ne vivent pas en colonie,
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des bourdons, qui forment de petites sociétés trÚs poilues et trÚs touchantes.
Lâabeille mellifĂšre, câest un peu la poule pondeuse du monde des abeilles : domestiquĂ©e, sĂ©lectionnĂ©e pour produire beaucoup, transporter du nectar, fabriquer du miel.
Les abeilles sauvages, elles, sont les petites discrĂštes de lâombre qui assurent une grande partie de la pollinisation des fleurs sauvages et des cultures.
đ ProtĂ©ger les abeilles, ce nâest donc pas juste « sauver la ruche », câest aussi redonner de la place Ă toute cette diversitĂ©.
2. Ce dont les abeilles ont vraiment besoin : des fleurs⊠toute lâannĂ©e
Que ce soit les abeilles domestiques, les bourdons ou les abeilles solitaires, toutes ont besoin de deux choses :
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Nectar = lâĂ©nergie (le « carburant » sucrĂ©).
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Pollen = les protéines, les minéraux, les oligo-éléments pour nourrir les larves.
Mais lâenjeu, ce nâest pas seulement dâavoir des fleurs, câest dâavoir des fleurs Ă©talĂ©es sur toute la saison.
Fin dâhiver â dĂ©but de printemps : la pĂ©riode critique
Entre mi-fĂ©vrier et mi-mars (selon les rĂ©gions), les colonies sortent de lâhivernage.
Les abeilles ont besoin de fleurs trÚs précoces :
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arbustes et arbres fruitiers (prunellier, prunier, amandier, pommier, poirierâŠ),
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chatons de certains arbres (saules, noisetiersâŠ).
Câest une pĂ©riode oĂč quelques jours de pluie ou de froid peuvent faire la diffĂ©rence.
Printemps et dĂ©but dâĂ©tĂ© : ça va plutĂŽt bien
En général, à cette période, il y a plein de fleurs : dans les haies, les prairies, les jardins, les cultures.
Les abeilles trouvent ce dont elles ont besoin, surtout si on nâa pas tout tondu et tout rasĂ©.
Creux de lâĂ©tĂ© : quand tout grilleâŠ
Là , ça se complique.
Chaleur, sĂ©cheresse, sols durs comme du bĂ©ton : certaines plantes arrĂȘtent de produire du nectar pour se protĂ©ger. Les fleurs sont lĂ , mais presque vides.
Câest un gros trou de nourriture pour les abeilles, surtout si le paysage est pauvre (monocultures, peu de haies, pas de friches).
Automne : le grand soutien du lierre
En automne, quand la pluie revient, une plante joue un rÎle énorme :
đ le lierre.
Son immense floraison tardive permet :
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aux colonies dâabeilles mellifĂšres de faire les derniĂšres rĂ©serves,
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aux jeunes reines de bourdons de faire le plein de graisse pour passer lâhiver.

3. Tes meilleurs alliĂ©s : les plantes sauvages locales đż
On croit souvent quâil faut semer des mĂ©langes sophistiquĂ©s ou des plantes exotiques pour aider les abeilles.
En rĂ©alitĂ©, ce qui les aide le plus, ce sont souvent les plantes les plus banales, celles quâon traite de « mauvaises herbes ».
Parmi les super alliées des pollinisateurs, on retrouve par exemple :
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Pissenlits
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TrĂšfle blanc
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Ronces
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Vipérine
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Menthes
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Chardons, bardanesâŠ
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Et bien sûr le lierre en automne.
Et puis il y a les arbres et arbustes :
tilleuls, chĂątaigniers, aubĂ©pines, fruitiers, saulesâŠ
Un seul grand tilleul en fleurs, câest une vague de nourriture en 3D pour les abeilles.
đ Pour les aider, tu peux :
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Tondre moins souvent et laisser des bandes de pelouse fleurie (pissenlits, trĂšflesâŠ).
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Laisser les ronces dans certaines haies (au lieu de tout nettoyer au cordeau).
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Conserver le lierre sur les vieux murs et les arbres.
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Planter des arbres et arbustes locaux mellifĂšres (en pensant long terme).
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Accepter les adventices (plantes « spontanées ») dans un coin du jardin.
En résumé :
Moins de contrĂŽle = plus de nourriture pour les abeilles = plus de vie dans ton Ă©cosystĂšme ! đżđžđ
4. Faut-il absolument installer des ruches ? đđ
Question qui fĂąche un peu…
On a souvent lâimpression que pour « sauver les abeilles », il faut mettre une ruche dans son jardin ou sur le toit dâun immeuble.
En réalité :
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Les ruches peuvent ĂȘtre trĂšs utiles pour produire du miel, sensibiliser, reconnecter les gens Ă la nature.
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Mais trop de ruches au mĂȘme endroit, câest de la concurrence :
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pour les abeilles sauvages,
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pour les autres insectes floricoles,
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et parfois mĂȘme entre ruches.
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Des Ă©tudes montrent quâau-delĂ dâenviron 3 ruches au kmÂČ, lâactivitĂ© des pollinisateurs sauvages est perturbĂ©e :
moins nombreux, plus petits, parfois plus malades prĂšs des ruchers trĂšs denses.
Alors, que faire, concrĂštement ?
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Si tu es en milieu urbain ou pĂ©riurbain, et quâil y a dĂ©jĂ beaucoup de ruches, le mieux est peut-ĂȘtre de ne pas en ajouterâŠ
et de concentrer ton énergie sur la végétation : haies, friches, bandes fleuries, arbres, jardins sauvages. -
Si tu veux vraiment avoir des ruches :
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forme-toi sérieusement,
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respecte des densités raisonnables,
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et pense avant tout à nourrir le paysage, pas seulement « tes » abeilles.
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5. Ce que tu peux faire, toi, dĂšs maintenant
MĂȘme sans ĂȘtre apiculteur, mĂȘme avec un petit bout de terrain (ou juste quelques bacs), tu peux :
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Laisser une bande sauvage au jardin : pas tondue, pas désherbée.
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Retarder la premiĂšre tonte du printemps pour laisser les pissenlits, pĂąquerettes et trĂšfles fleurir.
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Planter 1 ou 2 arbustes locaux mellifĂšres (aubĂ©pine, prunellier, fruitier rustique, sureauâŠ).
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Tolérer les ronces dans un coin (elles sont merveilleusement mellifÚres).
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Conserver le lierre qui grimpe, tant quâil ne met pas en danger un mur fragile ou un arbre malade.
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PrĂ©voir un point dâeau peu profond, avec pierres ou brindilles pour que les insectes ne se noient pas.
Et surtout :
Regarder, observer, apprendre Ă reconnaĂźtre qui vient butiner chez toi.
Tu verras que derriĂšre « lâabeille », il y a tout un petit peuple.
Et toi, quâest-ce que tu laisses pousser pour elles ? đ
Les abeilles nâont pas besoin quâon « sauve la nature » en grand discours.
Elles ont besoin quâon arrĂȘte de tout tondre, tout arracher, tout uniformiser.
Chaque jardin, chaque haie, chaque friche laissée un peu sauvage est une station-service pour pollinisateurs.
Et ce que tu fais chez toi compte vraiment.
đ Dis-moi en commentaire :
Quâest-ce que tu as dĂ©jĂ chez toi qui pourrait devenir un paradis pour les abeilles ?
Ronces, lierre, pissenlits, vieux arbres, friche oubliĂ©e⊠je serais ravie de te lire. đżđ
Si tu veux aller plus loin à ce propos, je te conseille de visionner cette conférences avec trois intervenants spécialisés (Vincent Albouy, Hugues Mouret & Jean-Marc Aubret)
